Décolonisation des savoirs : 5 vérités choquantes sur les universités
Décolonisation des savoirs : 5 vérités choquantes sur les universités
La décolonisation des savoirs est devenue l’un des sujets les plus brûlants dans les milieux académiques francophones.
Pourtant, son appropriation souvent superficielle révèle une profonde hypocrisie institutionnelle.
En octobre 2024, les 5e Rencontres du Réseau international « Éducation et Diversité » (RIED) se sont tenues à Marseille sous le signe de la diversité et de la justice cognitive.
Mais un détail a fait scandale : l’illustration officielle du colloque représentait une scène coloniale figée, célébrant une fausse unité entre colonisateur et colonisé.
Ce paradoxe visuel a mis en lumière les limites actuelles de la décolonisation des savoirs.
Peut-on vraiment repenser les savoirs sans décoloniser les imaginaires ?
Cet article explore cette contradiction à travers cinq vérités choquantes qui secouent les fondements de l’académie contemporaine.
La Violence Symbolique dans les Espaces Académiques
L’utilisation d’une illustration coloniale pour un colloque sur la diversité n’est pas un simple accident graphique.
Elle relève de ce que Pierre Bourdieu appelait la violence symbolique : une domination douce, invisible, intériorisée.
Dans ce cas précis, l’image renvoyait à un passé colonial idéalisé, où le colonisateur apparaît comme bienfaiteur.
Une telle iconographie reproduit inconsciemment les stéréotypes racisés.
Pour beaucoup de chercheur·es issu·es de territoires colonisés, cette image a été vécue comme une agression.
Elle rappelle leur statut marginal dans l’espace académique.
Le terme décolonisation des savoirs ne désigne pas simplement l’inclusion de voix du Sud.
Il s’agit d’un projet radical visant à remettre en cause l’hégémonie du savoir eurocentré.
Or, quand des institutions utilisent des images coloniales pour promouvoir des événements décoloniaux, elles trahissent ce projet.
La décolonisation des savoirs devient alors une façade rhétorique, vide de sens véritable.
Vers une Représentation Vraiment Inclusive
La représentation visuelle dans les événements académiques n’est pas neutre.
Elle construit une identité collective et transmet des valeurs implicites.
Lorsque des illustrations coloniales sont choisies, même “innocemment”, elles envoient un message clair.
Certains corps, certaines histoires, certains regards sont encore invisibilisés.
La décolonisation des savoirs exige donc une vigilance constante sur les formes, pas seulement sur les contenus.
Il s’agit de faire émerger des imaginaires alternatifs, construits *avec* et *par* les communautés marginalisées.
Des initiatives existent déjà.
Certains collectifs proposent des banques d’images libres mettant en scène des figures intellectuelles afro-descendantes ou maghrébines.
Par exemple, le projet Visual Resources for Decolonial Research offre des illustrations co-construites avec des chercheur·es du Sud global.
Ce type d’outil est essentiel pour opérationnaliser la décolonisation des savoirs au quotidien.
Les Paradoxes du Réseau RIED et de l’Université Française
Le Réseau international « Éducation et Diversité » (RIED) se positionne comme un espace critique autour des inégalités scolaires.
Fondé en 2013, il revendique une approche intersectionnelle.
Pourtant, l’affaire de l’illustration coloniale montre que même les espaces auto-proclamés progressistes peuvent reproduire les schémas qu’ils combattent.
Ce paradoxe reflète une tension structurelle entre discours critique et pratiques institutionnelles.
La décolonisation des savoirs exige plus qu’un réseau de recherche.
Elle exige une transformation systémique.
Or, le financement public, les barrières linguistiques et les hiérarchies académiques freinent cette évolution.
Beaucoup de contributions venues du Sud sont rejetées non pas pour leur qualité, mais parce qu’elles ne suivent pas les normes européennes.
Ainsi, la science reste une entreprise asymétrique.
Le Sud fournit des “données”, tandis que le Nord produit la “théorie”.
Quelles Pistes pour une Décolonisation Réelle ?
Comment passer des mots aux actes ?
Plusieurs pistes concrètes peuvent être explorées.
Intégrer systématiquement une grille d’analyse postcoloniale dans la conception des événements scientifiques.
Former les équipes académiques aux enjeux de représentation et de biais inconscients.
Encourager la co-publication entre chercheur·es du Nord et du Sud, avec reconnaissance égale.
Ouvrir les revues scientifiques à d’autres formats : témoignages, œuvres artistiques.
Revisiter les bibliothèques universitaires pour y inclure massivement des auteurs non occidentaux.
La décolonisation des savoirs doit s’accompagner d’une décolonisation des cursus.
Pourquoi les étudiants ignorent-ils souvent les penseurs africains ?
Pourquoi l’histoire de la philosophie commence-t-elle toujours par les Grecs ?
Interroger ces normes, c’est commencer à transformer l’académie.
Pour approfondir les questions d’inégalités éducatives, consultez notre dossier sur l’éducation et la diversité en France.
Conclusion : Vers une Académie Responsable et Inclusive
La décolonisation des savoirs n’est pas une mode, ni un exercice de repentance.
C’est un impératif épistémologique et éthique.
L’affiche controversée du colloque de Marseille en est une preuve.
Tant que nos imaginaires resteront colonisés, aucun discours ne suffira.
Il faut déconstruire les symboles, repenser les processus, redistribuer le pouvoir.
L’université ne peut plus être un lieu d’exclusion déguisée.
La décolonisation des savoirs est un chemin difficile, mais nécessaire.
Elle nous oblige à sortir de notre confort intellectuel.
À écouter d’autres voix, à reconnaître d’autres formes de rationalité.
Ce n’est pas une menace pour la rigueur scientifique, mais une chance de l’enrichir.
Car la vérité se construit dans le dialogue, la confrontation, et surtout, la justice.


Source : https://ried.hypotheses.org